mercredi 16 avril 2008

Reconnaître les soldats condamnés pour l'exemple

16 avril. Journée du Poilu à Craonne.

Journée anniversaire du déclenchement de l'offensive Nivelle sur le Chemin des Dames.
Le réveil a sonné de bonne heure ce matin. Rendez-vous était donné à 5h30 devant la mairie de Craonne pour une randonnée en mémoire de tous les combattants impliqués dans l'offensive.

6 h. Tirs de feux d'artifices le long du Chemin des Dames, comme des tirs d'artillerie. Comme ces tirs d'artillerie qui ont donné le coup d'envoi de l'offensive. Coup d'envoi de la randonnée sur les traces des régiments qui ont réussi à grignoter 2 km de territoire, en 3 semaines et au prix de milliers de victimes.
Randonnée d'abord sur les traces du 1er régiment d'infanterie (R.I.), du bois de Beaumarais aux abords de l'ancien Craonne. Puis randonnée sur les traces du 18 ème R.I. parmi les entrées de caves de l'ancien village, jusqu'à la montée sur le plateau de Californie. Paysage marqué par cette guerre industrielle : briques, tuiles de Craonne, tracé des tranchées, vestiges des bunkers allemands. Les hommes et les femmes sont aussi marqués par la guerre comme l'a souligné Noël Genteur en lisant témoignages et poèmes des combattants, en racontant ses rencontres avec les familles des soldats.

11 h, session extraordinaire du Conseil Général de l'Aisne

Le débat fut riche et constructif. L'enjeu : rendre leur dignité aux soldats condamnés pour l'exemple, une reconnaissance à l'égal de tous les combattants.

Yves Daudigny, président du Conseil général de l'Aisne, a insisté qu'il s'agissait d'une question d'apaisement national. Evidemment, la question des fusillés ne doit pas être la seule grille de lecture de la Guerre mais c'est un objet historique à part entière. L'objectif est donc d'éviter la polémique qui avait suivi la déclaration de Lionel Jospin en 1998.
Les conseillers généraux de la majorité (MM. Genteur et Lanouilh) ont fait appel aux valeurs républicaines et aux sentiments de chacun de leurs collègues. Ils se sont appuyés sur des témoignages pour expliquer la situation de ces combattants et de leur famille. Leurs prises de parole ont sans aucun doute remis de l'émotion dans la discussion.
Les conseillers généraux de l'opposition (MM. Rigaud et Meura) regrettaient qu'on mette tous les combattants au même niveau. Selon eux, les mérites ne sont pas les mêmes selon qu'on se révolte ou que l'on obéisse. Les condamnés pour l'exemple peuvent en revanche être considérés comme des victimes de la guerre.

Après une interruption de séance, un consensus est trouvé. Le terme de combattant est remplacé par celui de soldat. Le vœu finalement adopté à l'unanimité est ainsi formulé :

"Le Conseil général de l'Aisne invite solennellement la République française à prendre, dans la générosité qu'elle doit à ses enfants, et à l'occasion du 90ème anniversaire de la fin de la Grande Guerre, la décision de reconnaître les soldats condamnés pour l'exemple comme des soldats de la Grande Guerre à part entière, comme des Poilus comme les autres, de façon à permettre que leurs noms puissent être légitimement inscrits sur les monuments aux morts des communes de France, à la demande de leurs familles ou des associations et collectivités concernées".


Le débat sur les condamnés pour l'exemple ne recouvre donc plus le clivage gauche-droite comme ce fut le cas en 1998.
Il semble s'esquisser un consensus , du moins local, à défaut d'être national.
Reste à savoir quelle sera la réaction de l'Elysée.

La polémique des historiens

Si polémique il y a, elle n'est plus vraiment politique, elle oppose les historiens. Certains (Jean-Jacques et Annette Becker, Stéphane Audouin-Rouzeau, Christophe Prochasson) considèrent les faits de refus comme minoritaires : ils ne présenteraient pas d'intérêt historique. A cette Ecole (dite "Ecole de Péronne"), qui a les faveurs des médias et des honneurs académiques, s'oppose des historiens (regroupés dans l'association CRID 14-18 dont font partie Nicolas Offenstadt, Frédéric Rousseau ou Denis Rolland) pour qui tout peut faire Histoire. Les attitudes minoritaires peuvent avoir plus de pertinence, d'intérêt historique que certaines attitudes majoritaires : leurs conséquences peuvent être plus grandes.

D'un côté des historiens qui considèrent qu'on en fait trop. De l'autre, des historiens qui continuent de creuser le sujet pour mieux comprendre les formes de contraintes et de répression au sein d'une armée républicaine. L'enjeu est en fait de comprendre ce qui a pu pousser les soldats à tenir pendant 4 ans.

2 commentaires:

Langladure a dit…

Merci de ces informations, espérons que nos élus nationaux seront aussi sages que ceux de l'Aisne.

salson a dit…

Merci pour le commentaire. Merci pour ton blog sur les monuments pacifistes à la fois très riche et très agréable : Monuments aux morts pacifistes