mardi 30 octobre 2007

La chanson de Craonne d'hier à aujourd'hui

La chanson de Craonne, vous connaissez certainement si vous avez vu le film Un long dimanche de fiançailles :

Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous des condamnés
Nous sommes les sacrifiés

Un rapide retour sur l'histoire de la chanson
La chanson n'est pas née d'un seul coup. Le processus de création est collectif et s'étend dans la durée. Comme souvent, la musique était une mélodie populaire de l'avant-guerre. De nouvelles paroles viennent remplacer les paroles originales pour raconter le quotidien des tranchées (la relève, l'attente en première ligne, la mort omniprésente), la rancoeur envers les embusqués et les civils (qui sont confondus avec les riches, les puissants). La chanson a évolué au fil des batailles et au fil des années (pour plus de détail, voir l'article de wikipedia ou l'article de G. Marival,"La Chanson de Craonne" in N. Offenstadt, Le Chemin des dames, de l'événement à la mémoire, Stock, Paris, 2004). Elle fut la chanson de Lorette, puis il a été question de la Champagne et de Verdun avant de devenir la chanson de Craonne. A cette occasion, le village de Craonne gagne une syllabe (Craonne se prononce habituellement krɑn, la chanson dit krɑɔn/ pour avoir le compte de pieds).

La chanson après guerre
C'est le journaliste communiste Paul Vaillant-Couturier qui diffuse le texte de la chanson après guerre. Dès lors, la chanson entre dans la patrimoine des chansons révolutionnaires. La diffusion reste donc limitée aux mouvances révolutionnaires et/ou pacifistes, l'allusion aux mutineries étant trop évidentes pour gagner le grand public.
Après la Seconde guerre mondiale, ce sont toujours des chanteurs marqués par leur engagement qui reprennent la chanson : Marc Ogeret ou Mouloudji pour les plus connus. Et si on fait un petit tour sur la toile, on remarque que les chanteurs moins connus qui ont repris la chanson font partie de la mouvance révolutionnaire (voir la chorale des sans-Nom). La chanson apparaît aussi dans les anthologies de la chanson française dans une version chantée par Gérard Pierron (CD983 chez EPM). On remarque que cette version mais d'autres aussi (pas toujours identifiées) sont disponibles en écoute sur de nombreux sites pacifistes ou révolutionnaires : le site de la ligue des droits de l'Homme de Saint Germain-en-Laye, le site Drapeau rouge (en format midi) ou bien encore le site chansons révolutionnaires de Jacques Deljéhier. La liste n'est évidemment pas exhaustive.
La chanson de Craonne est donc un élément important d'une mémoire pacifiste et révolutionnaire de la guerre. Toutes ces interprétations mettent en avant le texte plus que la musique, les arrangements restent très respectueux de la mélodie originale. Il s'agit de préserver une certaine mémoire de la guerre, de ne pas la travestir par des arrangements "modernes". Chanter cette chanson a valeur d'engagement.

Un retour de la chanson de Craonne
Depuis quelques années, la chanson de Craonne rencontre un public plus large. En 1997, dans son émission radiophonique consacrée à la chanson de Craonne, Daniel Mermet raconte qu'il a fait découvrir à Marc Perrone la chanson. Cela montre donc que la chanson n'était connue que par quelques initiés, militants pacifistes ou révolutionnaires. Finalement, c'est le retour au centre des débats des mutineries de 1917 qui permettent une redécouverte de la chanson. Le discours de Lionel Jospin à Craonne dans lequel il appelle à une "réintégration des fusillés pour l'exemple dans la mémoire collective nationale" permet sans doute de redécouvrir l'histoire des mutineries et de redécouvrir la chanson.
En effet, les reprises de la chanson dans les années 2000 sont nombreuses. Ce sont des jeunes groupes beaucoup plus rocks qui se la réapproprient : un petit groupe de ska agenais la reprend en 2000 (Mascarade), puis le groupe de rock les Amis d'ta femme en 2003 lui donne une plus grande audience.
En 2000, le téléfilm La Dette permet aussi de faire connaître la chanson au grand public : André Dussolier fredonne en effet le refrain à la fin du téléfilm.
La mémoire autour de la chanson n'est pas pour autant apaisée. En 2003, à la demande du Conseil Général de l'Aisne, Maxime Le Forestier enregistre la chanson mais il supprime le dernier refrain qu'il trouve trop violent.
Mais ce qui va donner une vraie popularité à la chanson c'est évidemment le film de Jean-Pierre Jeunet en 2004 dans lequel Denis Lavant (le soudeur Six-sous) chante une dernière fois la chanson en pissant debout entre les lignes allemandes et les lignes françaises avant d'être abattu.

Cette redécouverte de la chanson de Craonne a été facilitée par un contexte (les débat autour des fusillés) mais surtout par des médias de masse (télévision, cinéma). Ce sont de jeunes groupes venus du rock qui donnent alors une interprétation plus musclée de la chanson : le texte est désormais servi par des arrangements à la fois plus contemporains et plus variés. L'objectif n'est plus de préserver une certaine mémoire de la guerre mais de la faire revivre après des années d'oubli : de lui redonner une actualité. Dernier projet en date, celui du groupe Tichot : il s'agit de réinterpréter diverses chansons de tranchées, de mettre en musique des poèmes de poilus. Et parmi ces chansons, évidemment la chanson de Craonne dans une version accordéon, voix écorchée. A découvrir bientôt...

En me baladant sur dailymotion, je viens de repérer un montage intéressant qui mêle images d'archives et la chanson de Craonne interprétée par Marc Perrone. Le montage n'est pas innocent et a une visée pacifiste assumée. L'auteur a aussi mis en ligne plusieurs vidéos sur le Chemin des Dames (il s'agit d'un documentaire diffusé sur France 3).



Et pour finir les paroles dans leur intégralité (voir les autres versions sur le site du CRID 14-18):
Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c'est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots
Même sans tambours, même sans trompettes
On s'en va là-haut en baissant la tête

- Refrain :
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous des condamnés
Nous sommes les sacrifiés

Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et le silence
On voit quelqu'un qui s'avance
C'est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes

- Refrain -

C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c'est pas la même chose
Au lieu d'se cacher tous ces embusqués
Feraient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendre leur bien, car nous n'avons rien
Nous autres les pauv' purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendre les biens de ces messieurs là

- Refrain :
Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c'est pour eux qu'on crève
Mais c'est bien fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève
Ce s'ra vot' tour messieurs les gros
D'monter sur le plateau
Et si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau

5 commentaires:

D'jô a dit…

J'aimerai trouver les accord de la chanson, si par chance quelqu'un les connait il serai fort sympathique de me les faire parvenir a kraspeck@hotmail.fr

Anonyme a dit…

je vous félicite d'avoir laiser cette version audio qui me semble de bonne qualité.

Anonyme a dit…

surtout ne pas oublier , chercher à comprendre pour ne plus reproduire un tel carnage et transmettre la mémoire de ces hommes au futures générations, nous leur devons bien ça aux POILUS .

Anonyme a dit…

je passe mon épreuves d'histoire des arts et je me demande si il y a des rimes ou bien une tonalité lyrique?

Anonyme a dit…

Attention dans la vidéo qui vient de Dailymotion, c'est Marc Ogeret qui chante et pas Marc Perrone (célèbre accordéoniste).